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mardi 17 décembre 2013

Braque, chaos, Deleuze, art

En sortant de l’exposition Georges Braque au Grand Palais, on pense à tout ça : le cadre, l’art, le chaos, le concept de révolution, la NSA et la poésie aujourd’hui.  


Braque et ses oiseaux, à la fin.

Le 3e festival O+o de Paris auquel nous avons collaboré et participé en septembre dernier avait pour thème "Sortir du cadre". 

Bien des thèmes de festival ne sont que prétextes à lancer une machine à créer. Et c'est déjà bien. Ce fut le cas ici mais certaines formules ont comme une vie autonome et nous poursuivent.

Cette histoire de "cadre" dont il était question de "sortir" n'avait pas, pour nous, dit tout ce qu'elle avait à dire. Comme si, après avoir sauté hors du cadre comme un cabri on n'était pas à nouveau dans un cadre ? Voire même le même... Comme si les avant-gardes n'étaient pas les prochaines institutions... Comme si on pouvait encore croire à l'efficacité du concept de révolution comme apportant du progrès à l'humanité... Comme si nulle tradition n'avait de valeur.

Ainsi Georges Braque, qui s'est obsédé de cette question jusqu'à torturer des billards, n'a réussi à sortir du cadre qu'au tout début de son travail, avec ses paysages fauves, et à la toute fin de sa vie avec ses oiseaux comme ci-dessus, c'est-à-dire dans ses moments de plus grande innocence.

En y repensant, on revoyait toute l'intelligence de l'affiche créée par Philippe Mairesse pour le festival O+o de Paris 2013 (visible ici). 

Et puis le hasard qui régit pour moitié nos vies, et donc le contenu de nos ordinateurs, fit resurgir le texte suivant, trouvé sur le Flotoir de Florence Trocmé, la tenace fondatrice du site Poezibao, à propos du dernier essai d'Ariane Dreyfus,  (La Lampe allumée si souvent dans l'ombreÉd. Corti, 2013).
Art et chaos (Deleuze, via A. Dreyfus)  Page 103, l'admirable citation de Deleuze sur l'art et le chaos. Elle me fait comprendre tant de choses : « L’art prend un morceau du chaos dans un cadre, pour former un chaos composé qui devient sensible ». Ariane la glose écrivant : « le cadre n’est donc pas seulement ce qui met en forme [...] mais aussi ce qui dialogue avec l’invisible. L’image vibre par cette tension entre champ et hors-champ, dit et non-dit » → et c’est une des grandes problématiques de la composition du poème, ce qui doit entrer dans le cadre, ce qui doit en sortir, et cet incessant travail de menuiserie (Emaz) et de soustraction dont parlent les écrivains. (...)
Toute révérence gardée, on peut tout-à-fait amender cette proposition de Deleuze, en ce qu'elle est une représentation, la sienne, une représentation de philosophe. «L’art prend un morceau du chaos dans un cadre, pour former un chaos composé qui devient sensible» dit-il. On peut avoir une autre vision : 
  • L'art est le résultat de ce que fait l'artiste, lequel sait rarement ce qu'il fait avant de l'avoir fait. 
  • Si "le travail de la philosophie consiste à fabriquer des concept pour tenter de comprendre ce qui se passe", selon la formule de Bruno Latour qui nous va bien, le travail de l'artiste, pour nous, consiste à plonger en lui-même toujours et encore à la recherche de la joie et de l'intuition (cf. Proust, Bergson...). 
  • La "question du cadre" est alors toujours secondaire. En tout cas, n'intervenant jamais consciemment, on peut soutenir qu'elle n'a pas d'incidence. 
  • Quant à un éventuel impact inconscient, hum... qu'en savons-nous ? 
Bien sûr, après un siècle de modernité, un long chemin est à parcourir pour sortir de tous les systèmes, de tous les -ismes et arracher toutes les oeillères.

Voilà ce qui serait "sortir du cadre". Et ça, la NSA n'y peut absolument rien ! Ses ordinateurs pourront toujours nous scruter plus attentivement, ils ne lui expliqueront jamais ce type de secret qui sort tout armé de la poésie comme Athena du cerveau de Jupiter. 

AxoDom


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