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mercredi 27 mai 2015

Une insurrection MAIS poétique, donc Akhmatova et Deluy

Une sorte de discussion était née autour du thème que le Printemps des Poètes s'était choisi pour 2015 : l'insurrection poétique


Précisons d'emblée que ce choix avait été arrêté dix mois plus tôt et ne devait donc rien à l'actualité sanglante qui nous a tous rendus Charlie. 
Mais cette maudite actualité a le funeste d'infléchir la lecture et, partant, la compréhension que nous avons du monde et même des mots (un comble !), ce qui entretient une terrible et permanente source d'erreur. D'où pas mal de confusions. 

18 ans en 1917 en Russie

Ainsi, alors que l'on célébrait en mars dernier l'insurrection poétique comme une fin en soi, il est fécond de se rapporter par exemple à l'œuvre mais aussi à la vie de la grande poétesse russe Anna Akhmatova (1889-1966).

Et tout d’abord, plutôt que d’affirmer de haut à quel point elle est grande, voici un seul vers d'elle qui espère  en convaincre. 


Evoquant Modigliani, elle écrivait : 
 « Il m’avait l’air enserré dans un cercle de solitude. »
Chez elle comme chez Modigliani, il y avait de l'insurrection poétique. Tout autant que chez les symbolistes mais bien différemment.

Dans cette affaire, il est nécessaire d'éclairer un risque : celui que l'insurrection occultât la poésie. A plusieurs reprise Jean-Pierre Siméon l'a relevé, mais qui écoute réellement les poètes  ? 

Cette confusion est l'une des obsessions de Michel Deguy : distinguer le poétique de la poésie. Justifiée obsession. 

L'autre insurrection, la politique, celle qui n'a même pas besoin de qualificatif, Anna Akhmatova la connaît aussi. Elle avait 20 ans en 1919. Mais cela ne l'a pas empêchée de rester poète. La facette politique de son insurrection fut de rester. Quand d'autres émigraient pour échapper aux persécutions du pouvoir elle, simplement, restait. 

De ces dérives de l'esprit qui va trop vite et confond politique et poésie on peut, si on le veut, se prémunir.  

Comment ? 

Par exemple, aussi, en lisant avec ses propres yeux le recueil d'Henri Deluy : "Imprévisible passé", Préface de Christian Prigent, éd. Le Temps Des Cerises, 2012. Voir notule plus bas (1). 

Et en découvrant, avant cela, l'excellent article d'Yves Boudier sur le site de Pierre Le Pilouër, Sitaudis

Cela étant fait, on aura sûrement une appréhension différente de toute cette affaire d'insurrection poétique



(1) Imprévisible passé, la formule s'impose à Moscou au cours des années 1980. Elle désigne, dans la relative clarté d'une perestroïka vacillante, l'histoire rétrospective d'un stalinisme tentaculaire et sanglant. Ce qui, pour nombre d'entre nous, ne pouvait se croire, se penser, s'imaginer, et qui se découvrait dans les archives enfin ouvertes, dans les déclarations des victimes enfin entendues, dans les gestes enfin permis d'une vie quotidienne en mouvement. 
On trouvera ici les pages écrites au cours de nombreux voyages et séjours en URSS, en Chine et en Europe centrale; la beauté des paysages, les étapes du Transsibérien, le goût des nourritures, le borchtch, les malossols, le poulet à l'huître, la richesse des découvertes et des rencontres, le tragique des situations. Avec des traductions de poèmes de Marina Tsvétaïéva, Anna Akhmatova, Alexander Blok, Ossip Mandelstam, Vladimir Maïakovski.

mardi 30 octobre 2012

(entracte 2) Une soirée Milosz au CNL

Le froid est tombé si soudain sur octobre ! Quelle grâce de pouvoir se réchauffer au Centre national du livre dans le feu doux des vers mystérieusement simples de Milosz. (O. V. de L. Milosz, pas Czesław, le cousin nobelisé en 1980). 
D'autant que l'oeuvre de Oscar Vladislas de Lubicz-Milosz (1877-1939), aujourd'hui en jachère, n'est pas facile à trouver. Initialement éditée par André Silvaire son oeuvre complète, quasi indisponible mais désormais chue dans le domaine public, pourrait cependant retrouver une vie a minima électronique. L'association de ses Amis s'y emploie et on croit savoir que certains experts de la chose livresque numérique se remuent dans ce sens. 


A gauche de notre accorte présentatrice, la bio analytique d'Anne Richter (Classiques du XXe siècle, Ed. Universitaires, 1965). A droite, "Saul de Tarse" le troisième drame idéaliste-métaphysique écrit en 1913 et resté inédit jusqu'à la publication des oeuvres complètes par André Silvaire en 1970. 

Jean-Baptiste Para
Jean-Baptiste Para, poète, critique, traducteur d'italien et de russe, introduit le grand homme à ne pas oublier. Eléments biographiques, analyses et même un extrait d'une conférence du Milosz diplomate dont l'intérêt est de montrer comment la Lituanie est par lui décrite comme sa propre poésie est, c'est-à-dire avec tout le lexique du flou et la récurrence d'un mot : vieux.

Pourtant ! Son environnement intellectuel de jeunesse, tout sauf flou, fut celui des Symbolistes russes : Alexandre Blok, Natalie Gontcharova et ce Vjačeslav Ivanov qui voulait aller « A realibus ad realiora », du réel au plus réel parce que la Révolution piétinait. Balloté entre des langues dont aucune ne lui est maternelle, Milosz choisira de n'écrire qu'en Français, la langue de sa gouvernante.  


Claude Aufaure
Chevronné, le comédien Claude Aufaure fait sonner ses deux voix - celle des cavernes et celle des anges – pour dire Milosz : "Les morts sont au fond moins morts que moi." (lien vers le poème complet "Tous les morts sont ivres" sur le site de Valérie Brantôme)  Seul compte pour lui non l’ancienneté mais la « profondeur du temps », comme l'explicite Para.
Ainsi ce « En attendant les clefs, dormez un peu madame » qui tant suggère l’étirement du temps. Comme si des heures allaient passer avant que n’arrivent les clefs.

C’est qu’à la fin, l'infini est derrière, alors qu’il était en deçà au début de la carrière. Pour finir, il est peut-être devant, quand vers sa fin Milosz ne produit plus qu'un poème par an, mystique, au seuil jamais franchi de la sérénité. 

Il cesse d'écrire en 1927, meurt en 1939, mais la fin est le temps de la joie. "Le cantique du printemps", tout en beautés, scande à l'envi "Que le monde est beau ! " tout au long répété comme une antienne d’affirmation de foi... ou un désir, déjà, de transformation alchimique. 
AxoDom


Savoir plus : Association des amis d'Oscar Milosz c/o J. Kohler, 14 rue Lagille 75018 Paris qui, entre autres activités, édite ses Cahiers.
Goûter plus : le très personnel texte de Gil Pressnitzer sur le site Esprits nomades avec une sélection de poèmes.
En attendant les oeuvres complètes : « La Berline arrêtée dans la nuit », anthologie poétique, édition de Jean-Baptiste Para préface de Jean Bellemin-Noël, postface de Czeslaw Milosz (Poésie/Gallimard, Paris, 1999).


NB : De retour sur Terre, on apprend le lendemain que la Commission poésie du CNL a diffusé un communiqué faisant état du soutien qu'elle entend apporter au Printemps des Poètes, toujours dans la tourmente... (voir plus bas l'article de synthèse, entre autres).